Romaine Mirmault

Romaine Mirmault

Romaine Mirmault
Henri de Régnier

J’espère (mais je crains) que ce n’est pas avec ce genre de littérature qu’Henri de Régnier a décroché son siège à l’Académie française. Quoique bien écrit, Romaine Mirmault est un roman assoupissant, plein de redondances qui en font un pensum. L’intrigue se traîne à la vitesse du tortillard et, avouons-le, l’ensemble ne vaut pas tripette. Une fois ce missile de croisière envoyé post-mortem à son auteur, je pense que la plupart d’entre vous (qui me lisez) n’aurezpas envie de bouger un auriculaire pour vous procurer le livre en question. Je vais donc me faire un plaisir de divulgâcher le sujet dans les lignes qui suivent (ceux qui ne veulent pas en savoir plus, vous pouvez quitter cet article sans tarder). Non pas que la trame du récit soit palpitante, mais (car il y a un « mais ») parce qu’il faut replacer ce livre dans le cadre de la vie personnelle d’Henri de Régnier. Et là, il y a des choses à raconter.

Le résumé, donc. Le jeune Pierre de Claircy (22 balais au compteur tout de même), étudiant royaliste engagé dans les « Ventres Saint-Gris », sorte de mouvement politique d’extrême droite, tombe follement amoureux de Romaine Mirmault, comtesse de Trémond. Son frère aîné, André de Claircy, est l’amant de Berthe de Vrémont, amie intime de Romaine Mirmault. Mais, tout comme Berthe, Romaine est mariée. Certes, son époux ne s’intéresse pas beaucoup à elle et préfère s’adonner à ses recherches archéologiques, ses « turqueries » comme il le dit lui-même. Romaine, habituée à vivre à Damas, se rend donc à Paris pour revoir ses copines et, accessoirement, assister à la grande fête donnée par le sultan de Timoloor au Pré Catelan. C’est là que Pierre la remarque et qu’il devient foldingue d’elle.

Il lui fait une cour effrénée. Elle fait semblant de ne pas comprendre, de le traiter comme un adolescent. Elle est tentée, un peu, pas trop, ne sait pas, hésite, décide que non, tout compte fait, elle ne l’aime pas d’amour. Elle le rejette et le renvoie à son bac à sable. Désespéré, il se tire un pruneau dans le buffet et meurt. C’est alors qu’elle se rend compte que, finalement, elle l’aimait tout de même et que c’est un peu à cause d’elle qu’il s’est fait sauter le caisson. Culpabilité et tout le toutim.

Voilà pour ce qui est du récit. Passons à l’auteur. Jeune, le riche Henri de Régnier était épris de Marie de Hérédia (la fille de José-Maria, le poète académicien). Dans sa conquête amoureuse, il était en concurrence avec (le pas très riche) Pierre Louÿs. Les deux hommes avaient passé un pacte qui disait ceci : demandons-la en mariage le même jour et elle choisira celui qui lui plaît le plus. Mais Régnier trahit le pacte, se déclare avant l’échéance, propose d’épouser Marie et d’éponger les dettes de son futur beau-père qui était plus cigale que fourmi. Marie préférait Pierre Louÿs, mais, n’ayant pas de nouvelles de celui-ci, et sous la pression de sa famille, elle cède et épouse Henri de Régnier. À peine lui a-t-il passé la bague au doigt qu’elle apprend l’histoire du pacte et réalise que son mari a obtenu sa main sur une trahison. Elle court se jeter dans les bras de Pierre Louÿs dont elle devient la maîtresse attitrée (il lui fera un moutard). Et elle annonce à son mari qu’elle ne l’aime pas, qu’elle restera officiellement son épouse, mais qu’il ne la possédera pas de corps.

Et là, je fais un parallèle avec Romaine Mirmault qui refuse son corps à Pierre de Claircy qui, de dépit, se suicide. Régnier a-t-il voulu mettre la pression sur sa propre épouse et la culpabiliser en agitant l’arme d’un éventuel suicide ? Ce n’est que mon hypothèse, mais je trouve qu’elle tient la route et qu’elle est très romanesque…

Henri et Marie de Régnier
jllb

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