Sanctuaire
William Faulkner
Faulkner est un écrivain clivant. Certains crient au génie, d’autres le voient comme un usurpateur incompréhensible. En refermant « Sanctuaire », son sixième roman (et le premier que je lis), j’ai pensé : « Ah ! Celui-là, il m’a bien énervé ». Ce texte est supposé être un livre policier. Effectivement, il y a un viol, des meurtres, une enquête, de l’alcool, de la fumée et même un lynchage. Dans sa préface, André Malraux dit que l’histoire en elle-même importe peu et que c’est l’atmosphère qui compte. Sans vouloir forcer la blague facile, j’ai tout de même bien envie de lui répondre : « Atmosphère ? Atmosphère ? Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? »
Car j’ai d’emblée détesté l’écriture de Faulkner. Au bout de cinquante pages, je n’avais toujours rien compris. Et j’ai horreur qu’on me fasse piétiner à la porte d’un récit en me racontant des faits qui ne m’intéressent pas. Je me disais : « Alors ça vient ? Ça démarre, oui ou non ? ». Ça se désenglue un peu par la suite, mais l’auteur s’ingénie à tout mélanger et il le fait volontairement : il mêle ce qui est utile à l’intrigue avec ce qui ne l’est pas de sorte qu’on pourrait considérer qu’il y a au moins deux livres dans un seul. Une étude de mœurs (assez barbante, à vrai dire) et une affaire policière qui serait bien ficelée si elle n’était pas emberlificotée dans une pelote de barbelés. Je vous résume celle-ci. Une jeune fille de dix-huit ans, Drake Temple, plutôt volage, se laisse entraîner par un ami étudiant dans une virée alcoolisée qui se termine par le crash de leur voiture sur une route perdue. Ils trouvent refuge dans une maison sinistre où des truands se livrent au trafic d’alcool (on est en pleine prohibition). Pendant que son copain continue de se murger, la vue de la belle Temple excite les convoitises des mauvais garçons. L’un d’entre eux la violera, après avoir tué un autre qui cherchait à la protéger. Puis il l’entraînera dans un boxon de Memphis où elle sombrera dans la déchéance. Le propriétaire de la maison, un noir, sera accusé du meurtre. Un avocat du coin cherchera à prouver son innocence et à retrouver la fille, seule témoin du meurtre. Voilà le fil en quelques lignes et il est plutôt intéressant. Mais cette écriture, bon sang, qui ne cesse de vouloir nous perdre : insupportable à mon goût (j’avoue avoir lu les cent dernières pages en diagonale).
Si j’ai détesté, d’autres crient au génie, à la dénonciation du racisme, de la violence, à la critique de la société américaine dans ce qu’elle a de plus sombre et sordide. Ce n’est pas faux, c’est simplement chiant à lire. Aussi chiant que les livres de Malraux soit dit en passant, et je comprends qu’il ait apprécié celui-là. Dernier mot : certains le comparent à James Joyce et je suis d’accord parce que son livre, « Ulysse », m’est également tombé des mains.
PS : le livre a donné lieu à deux adaptations cinématographiques. La première « The story of Temple Drake » (1933) est disponible en version intégrale sur YouTube ici : https://youtu.be/LooPQoL5N0M . Je l’ai regardée et peu appréciée. Elle n’est pas fidèle au roman et finit par une « happy end ». La seconde « Sanctuaire » (1961) avec Yves Montand est également disponible sur YouTube, je ne l’ai pas encore vue. Ici : https://youtu.be/IMnzFM_Sq8s