Ces dames du 12

Ces dames du 12

Ces dames du 12
André Dahl

Vous me connaissez, je suis curieux de nature. On ne se refait pas. Donc ce matin, au vide-greniers de Labastide d’Armagnac, je tombe sur un livre intitulé « Ces dames du 12 », daté de 1925, avec une lanterne rouge en couverture. Pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre que l’ouvrage en question parle d’une de ces « maisons de caresses » qui avaient pignon sur rue avant l’intervention de Marthe Richard et leur interdiction en 1945. Or cette période et ce sujet m’intéressent pour des raisons d’écriture qui me sont personnelles. 
J’acquiers donc le susdit ouvrage pour la somme modique d’un euro et, mon café avalé, je me lance dans sa lecture. Je viens d’en tourner la dernière page. Ne vous berlurez point, il ne s’agit pas cette fois d’un chef-d’œuvre de la littérature française. On est loin de « La maison Tellier » de Guy de Maupassant, même si le cadre est le même : un gentil lupanar de province. Pas une de ces maisons d’abattage où les femmes étaient traitées pire que de la viande dans des conditions épouvantables. Non, le « 12 » est un boxon tout ce qu’il y a de conventionnel à l’ambiance familiale où les notables bourgeois du village viennent s’encanailler.
Au départ donc, rien que du traditionnel. Mais, rapidement, l’imagination débridée de l’auteur André Dahl (inconnu pour moi et rien à voir avec Roald du même nom) prend le pouvoir pour nous emmener dans un récit humoristique inattendu. Jugez plutôt. L’histoire commence lorsque Madame Solange, la tenancière en chef, accueille une nouvelle pensionnaire venue de Paris : Natacha, jolie fille d’origine russe. Or il se trouve qu’en moins de huit jours, Natacha va faire la Révolution (avec un « R » majuscule) dans la maison. Et pour cause : Natacha est une espionne et elle va transformer le bastringue en un « soviet ». La mère maquerelle est révoquée, les filles prennent le pouvoir. Pour autant elles n’abandonnent pas leur métier qu’elles considèrent comme noble mais, bien entendu, les relations avec les clients vont lourdement changer. Je ne vous en dis pas plus, des fois que certains d’entre vous seraient tentés d’en dénicher un exemplaire pour savoir la suite.
Poussant ma curiosité, j’ai cherché des informations sur André Dahl. De son vrai nom « Léon Kuentz » il est né à Lyon en 1886 et mort d’une méningite aiguë à Paris en 1932. Journaliste il a collaboré au Matin, à l’Assiette au beurre et au Canard Enchaîné. Il a dirigé plusieurs cabarets, dont Le Théâtre des deux Ânes et le Moulin de la Chanson. Il est l’auteur d’une quinzaine de romans humoristiques et de trois pièces de théâtre.
Pour conclure ce petit billet, ce livre m’a remis en tête le problème des bordels. Faut-il ou non les rouvrir ? Je n’ai pas d’idée arrêtée sur le sujet, des arguments valables allant dans les deux sens de l’équation. Faire commerce de son corps n’a jamais été une activité glorieuse pour la femme, même lorsque c’est de son plein gré. Mais la fermeture des maisons closes a déplacé la prostitution sur le trottoir ou ailleurs dans des conditions trop souvent abjectes et incontrôlées. Donc, je ne sais pas. Si vous avez des idées… exprimez-les !

jllb