Francis Carco
Je n’avais jamais lu de roman de Francis Carco, que je connaissais surtout pour les chansons qu’il a écrites entre deux guerres. « Rien qu’une femme » n’est sans doute pas la meilleure entrée dans son œuvre (son roman le plus connu est « Jésus la caille » et fait, paraît-il, la part belle à l’argot.)
Dans cet opus, d’une écriture classique, le narrateur (Claude) est un jeune garçon d’une quinzaine d’années, fils d’une mère autoritaire qu’il appelle « la patronne » et à laquelle il n’ose s’opposer. Elle dirige un hôtel respectable, Le Cheval Blanc, dans une ville de province. Il ne connaît pas son père et ne cherche pas à savoir qui il était. Claude se déniaise avec Mariette, une servante plus âgée que lui, de caractère simple (« simple » dans le sens qui ne cherche jamais à faire des histoires) et d’un tempérament au lit plutôt volcanique. Est-il amoureux d’elle ? Lui-même ne le sait pas. Il la trouve inférieure, puisque c’est une servante et il en fait sa chose, son objet sexuel. Mais lorsqu’elle partira avec un autre homme, il se retrouvera comme un gosse à qui on a volé son jouet et n’aura qu’une idée : la reprendre. Son égoïsme et sa méchanceté éclatent au grand jour. Le personnage de Claude est malsain. L’histoire est malsaine et laisse un goût d’amertume au lecteur. Claude se décrit lui-même comme « sournois ». L’incipit du livre m’avait pourtant mis l’eau à la bouche. Je le reproduis ici : « C’est à coup sûr ce soir de mi-carême, bruyant et pluvieux, que le diable entra chez nous »…
Carco était-il malsain ? Né en Nouvelle-Calédonie où son père était inspecteur des domaines, il est profondément marqué par la vue des bagnards enchaînés. De retour en France il se réfugie dans la poésie car il craint son père violent et autoritaire. Adulte il travaille comme surveillant de lycée, se fait renvoyer, visite les bas-fonds de Lyon et Grenoble. Il monte à Paris en 1910, fréquente Montmartre et fait la connaissance de Pierre MacOrlan, Roland Dorgelès, Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Utrillo… Il travaille comme critique artistique pour la revue Gil Blas et publie ses premiers poèmes en 1912.
Il rencontre Katherine Mansfield avec qui il aura une relation trouble, qu’il qualifie d’un « amour voué au désastre ». Elle fera de lui un personnage sombre et cynique dans sa nouvelle intitulée « Je ne parle pas français ». En 1914, il publie « Jésus la caille » au Mercure de France : l’histoire d’un proxénète homosexuel.
Il semble bien que Carco ait été un homme complexe, voire complexé, fréquentant les milieux interlopes. Malsain donc ? Peut-être. Sujet à approfondir.