Amitié allemande

Amitié allemande

Amitié allemande
(L’aventure de Jacqueline)
Jeanne Marais
1914

Ce livre de Jeanne Marais écrit en 1913 et publié en 1914 est accueilli par la critique comme son premier livre « sérieux », les précédents étant classés grivois ou licencieux. Je ne partage évidemment pas ce jugement. Jeanne Marais s’est préoccupée des choses de l’amour et du sexe, ce qui pouvait choquer les lecteurs de l’époque. Mais, sauf lors de sa collaboration avec Willy (« La virginité de Mademoiselle Thulette »), elle ne céda jamais à l’obscénité ou à la gauloiserie.

Et, finalement, cette « Amitié allemande », où le sexe n’a pas sa place, n’est pas le plus intéressant de ses romans. Elle y dresse le portrait d’une famille bourgeoise parisienne : les Bertin. Le père est modiste et tient boutique, aidé par sa fille de vingt ans : Jacqueline, vierge et férue de littérature. Le grand-père a fait la guerre de soixante-dix et voue une haine tenace aux Prussiens. Le frère, René est sculpteur. Il a effectué une partie de ses études en Allemagne où il s’est lié d’amitié avec Hans Schwartzmann (« l’homme noir », nom de personnage choisi à dessein) un auteur de romans qui ne tarde pas à connaître la gloire dans son pays.

De passage à Paris, Schwartzmann rend visite à son ami René et se fait présenter à sa famille. Le grand-père l’accueille avec réticence, mais en bon bourgeois, il reste courtois. Hans découvre Jacqueline, qui a lu son œuvre, et commence à lui faire la cour. Flattée dans un premier temps, elle s’éprend de l’écrivain teuton. Le temps de son séjour, Hans fréquente la famille Bertin quotidiennement. Il mange avec eux, sort avec eux et leur avoue : « Vous êtes ma famille française ». Il promet le mariage à Jacqueline dès qu’il reviendra en France : il doit partir, car ses affaires l’appellent à Berlin.

Un an plus tard, le nouveau roman de Schwartzmann paraît : « Une famille française ». Dans ce texte, il étrille ceux qui l’ont accueilli, décrivant la bourgeoisie parisienne comme veule, molle, corrompue et sujette à tous les vices. Il a changé les noms, mais les Bertin se reconnaissent dans ce texte au vitriol : le grand-père présenté comme stupide et haineux, le père comme un dévoyé exerçant un métier de femme, le fils comme un sculpteur avide d’argent et la fille comme une poule prête à tout pour faire tomber dans son lit un grand écrivain. Une charge violente pour mieux mettre en avant la famille allemande, fière, droite, pétrie d’idéal.

Au moment de la sortie en France de son livre, Schwartzmann revient à Paris. Entre temps, il a épousé une richissime Allemande. René ayant découvert la trahison de celui qu’il croyait son ami, décide de le provoquer en duel… (Je ne gâchonne pas la fin…)

À l’évidence Jeanne Marais a voulu gommer son image d’écrivaine libertine en se lançant dans ce récit caricatural aux accents patriotiques. Le style d’écriture est plutôt bon et la trahison bien amenée. Mais le texte est franchement daté et sans grand intérêt de nos jours… mais j’ai pris du plaisir à le lire parce que je commence à mieux comprendre la vie et la psychologie de Jeanne Marais/Lucienne Marfaing.

jllb

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