Frida Kahlo
Ariadna Castellarnau
Le Monde
Belle initiative du journal « Le Monde » (avec un bémol comme vous allez le voir) de publier une série de portraits de femmes d’exception sous forme d’une collection de livres. Cette biographie de Frida Kahlo est passionnante de la première à la dernière page. Elle a été écrite par Ariadna Castellarnau, une jeune universitaire espagnole catalane dont le nom ne figure ni sur la couverture ni sur la page de garde : il faut le trouver en petits caractères à l’ultime page du livre. Et sur ce coup-là, « Le Monde », vous devriez avoir honte : lancer une collection dédiée aux femmes et traiter l’auteure du livre comme une moins que rien est proprement scandaleux.
Car, je le répète, cette biographie est un petit bijou et j’y ai appris énormément sur la vie et la personnalité de Frida Kahlo. Elle était à la fois intellectuelle et déterminée dans l’expression de son art. Inclassable, sa peinture est symbolique et ancrée dans la réalité de sa vie qui fut courte et mouvementée. Les intellos français du surréalisme ont voulu l’intégrer à leur mouvement, mais elle ne se reconnaissait pas du tout dans leur démarche (elle détestait plus particulièrement André Breton pour sa suffisance). Elle ne supportait pas non plus la classe de la haute bourgeoisie américaine qu’elle fut amenée à fréquenter du fait que son mari, le peintre muraliste Diego Rivera, recevait d’importantes commandes de la « Upper-class » et en particulier de la famille Ford pour décorer les murs de son usine.
Frida Kahlo (comme Diego Rivera) était profondément communiste et furieusement mexicaine : attachée à sa culture (ses robes en témoignent) et préoccupée par la misère dans son pays ou dans ceux qu’elle a visités. Elle a, entre autres, critiqué la France pour la façon dont celle-ci a accueilli les réfugiés espagnols qui fuyaient le franquisme dans des camps de la honte. Son communisme était un communisme du cœur (elle n’a pas connu les goulags…)
Sa vie a été marquée par deux facteurs essentiels : sa santé (et les souffrances qu’elle a endurées) et sa relation passionnée et orageuse avec Diego Rivera. Sur sa santé on retiendra la polio qui lui laissa une jambe atrophiée, puis cet accident de bus à 18 ans qui va lui broyer le bassin et dont elle subira des séquelles jusqu’à la fin de sa vie, l’empêchant d’avoir des enfants. Quant à sa relation avec Diego Rivera, plus âgé qu’elle d’une vingtaine d’années elle a été houleuse, c’est le moins qu’on puisse dire, et extrêmement passionnée. Frida, comme Diego, étaient libres sexuellement et ils ont collectionné les aventures, tout en souffrant chacun des trahisons de l’autre. Ils ont fini par divorcer, mais leur séparation était trop lourde à porter. Ils se sont remariés dans des conditions que vous découvrirez dans ce récit palpitant.
Un regret : le livre ne contient aucune reproduction des tableaux de Frida alors que l’auteure en cite de nombreux et leur visualisation est indispensable pour comprendre l’analyse qu’elle en fait. J’ai passé mon temps à osciller entre l’ouvrage et ma tablette. Du coup j’ai téléchargé les œuvres dont elle parle et je les joins à cet article. (Merci, de rien, c’est pour vous faire plaisir). J’y ajoute quelques photos de Frida Kahlo et, encore une fois, je vous recommande cette lecture.