Le mariage de
l’adolescent
Jeanne Marais
1919
Dans cet ultime roman paru un an après sa mort, Jeanne Marais jette les derniers feux de son exaltation personnelle. Elle met en scène l’amour pur que rien ne peut salir, que rien ne peut corrompre. Celui qu’elle aurait voulu vivre et qu’elle n’a jamais connu.
À dix-huit ans, Philippe de Laval est un jeune homme sage. Il vit à la campagne avec son père veuf, riche propriétaire terrien. Son père loue une petite maison à deux femmes venues de Paris : madame Renaud et sa fille Geneviève. La mère est malade et elles ont souhaité profiter de l’air de la campagne pour lui refaire une santé.
Philippe s’éprend de Geneviève sans que son père s’en aperçoive. Il fait la cour à la jeune femme et, bientôt, cet amour devient réciproque. Mais un homme d’une cinquantaine d’années a déjà demandé la main de Geneviève à sa mère et les événements se précipitent. Sans oser dévoiler ses sentiments à son père qu’il craint et qu’il respecte, le jeune homme évoque la possibilité de se marier vierge et de bonne heure. S’ensuit une leçon de morale du père qui lui explique que tout homme doit jeter sa gourme avant de se marier et connaître plusieurs femmes avant d’en épouser une afin de ne pas être tenté plus tard de la tromper. Il décide d’envoyer Philippe étudier à Paris, espérant qu’il se déniaisera dans la capitale.
Avant de partir, Philippe va voir madame Renaud, lui avoue son amour pour Geneviève et la supplie de renoncer à la donner à un vieux beau. Elle lui laisse peu d’espoir, car elle le trouve bien trop jeune pour épouser sa fille et lui demande de lui faire ses adieux sans tarder. Mais Geneviève, touchée par la passion de Philippe lui propose de le revoir en cachette avant son départ. Le lendemain, ils se retrouvent dans un bois. La pluie vient à tomber. Ils s’abritent dans une cache, se serrent, s’embrassent… et la nature fait le reste.
Trois mois plus tard, Philippe est à Paris. Il entretient une correspondance quotidienne avec Geneviève et ne s’est jamais laissé entraîner dans la débauche par ses amis étudiants, car il croit toujours en la pureté de son amour. Geneviève lui apprend qu’elle est enceinte. Il convainc alors madame Renaud et sa fille de le rejoindre à Paris où ils s’installent tous les trois sans rien dire à son père. Philippe est persuadé que celui-ci n’acceptera jamais l’idée de son mariage et qu’il devra attendre sa majorité, vingt et un ans, pour épouser Geneviève. Il travaille ardemment pour réussir ses examens et gagner son indépendance financière. À la fin de l’année, le bébé est né et Philippe a réussi ses examens. Le père arrive à l’improviste à Paris pour le féliciter. Il découvre que son fils vit en ménage avec Geneviève et sa mère et qu’il veut se marier. Il s’oppose fortement à ce projet et argumente en disant à Philippe : « le jour où tu seras père, tu pourras imposer ton point de vue. En attendant, tu dois m’obéir et renoncer à ce mariage… » Philippe ouvre alors la porte de la chambre et montre l’enfant à son père qui comprend tout et finit par céder.
L’œuvre de Lucienne Marfaing/Jeanne Marais se conclut donc par un « happy end » alors que sa vie s’achève en un suicide… Cette pureté qu’elle a tant souhaitée, cet amour absolu auquel elle a renoncé pour se consacrer corps et âme à la littérature et à sa mère : tout cela lui est désormais interdit. Elle a trente et un ans. Elle a été très belle, mais elle est usée par le travail et par la morphine à laquelle elle s’adonne. Elle n’a pas d’homme dans sa vie, plus d’autre ambition littéraire que d’écrire pour vivoter. Ni l’amour ni le succès ne sont au rendez-vous. Elle est seule. Elle est seule. Elle est seule. Elle calfeutre rideaux, portes et fenêtres. Elle ouvre le gaz et absorbe des médicaments pour dormir. Le lendemain matin, on la découvre râlante et inconsciente. On la transporte à l’hôpital Laënnec. Elle agonisera quelques jours avant de s’éteindre le 25 mai 1919. Elle est enterrée au cimetière des Batignolles…