Dans la série « femmes écrivaines du XIXe siècle que l’histoire a jetées aux oubliettes », après Marie-Léonie Devoir, après Jeanne Marais, aujourd’hui : Marie-Louise Gagneur.
Marie-Louise Gagneur est un cas particulier parce qu’elle n’écrit pas pour le plaisir de la littérature : elle écrit pour militer. Passionnée de politique dès son plus jeune âge, elle a pondu à dix-huit ans un essai sur les associations ouvrières. Bien qu’ayant été élevée au couvent (ou à cause…) elle est violemment anticléricale. Virulente, elle défend de nombreuses causes : la République contre la Royauté, la révolution sociale contre le capitalisme, le divorce contre l’indissolubilité, la condition des femmes. Rien que ça. Et Marie-Louise y va franco et ne mâche pas ses mots.
J’ai lu trois petits livres d’elle : « Jean Caboche », « La part du Feu » et « Le divorce ».
Jean Caboche
Après la chute de l’Empire en 1871, Jean Caboche, paysan rebelle et républicain habitant le petit village de Neubourg, décide de se présenter aux élections pour défendre la cause des travailleurs de la terre. Mais il a affaire à forte partie avec le curé du coin, intrigant, dominateur, violent et vindicatif et avec les bourgeois qui retournent leur veste sans arrêt : bonapartistes, royalistes, républicains ou favorables à Napoléon III selon les circonstances. Jean Caboche expose ses idées limpides, débat avec tous, renvoie ses adversaires dans les cordes… et finit par être élu !
La part du feu
Prudence et Furibus sont deux bourgeois nantis, propriétaires d’usines. Des oisifs qui vivent richement en exploitant le bas peuple. Mais Prudence a fait un rêve (un cauchemar) : il a vu le peuple des ouvriers, telle une vague, renverser tout sur son passage pour s’arroger les droits qu’on ne lui a jamais accordés. Il suggère une stratégie à son ami Furibus : plutôt que de lutter contre l’inéluctable, faire en sorte que la bourgeoisie prenne la tête de la révolution populaire. Céder un peu sur les salaires et sur les revendications sociales pour mieux garder le contrôle de l’ensemble. Nommer des ouvriers « directeurs d’usines » et transformer les riches patrons en actionnaires.
Mais Furibus ne l’entend pas de cette oreille. Pas un centime d’augmentation, pas une minute de moins de travail ! Et si les ouvriers ne sont pas contents, on leur enverra l’armée !
La discussion s’enflamme. Lequel des deux va faire entendre raison à l’autre ? Marie-Louise Gagneur développe tous ses arguments communistes en faveur de la Sociale au travers de ses personnages.
Le divorce
Berthe, la femme de Daniel Duclos l’a trompé avec Raoul de Givry. Lui qui avait tout misé sur un mariage loyal est totalement dépité. D’autant que Berthe a quitté le domicile conjugal et vit désormais avec Raoul qui, lui-même a délaissé sa femme Louise.
Daniel avait épousé Berthe parce qu’il la trouvait jolie. Raoul avait épousé Louise pour profiter d’une dot bien garnie. Daniel et Louise se retrouvent comme deux âmes en peine… et tombent amoureux l’un de l’autre. Mais voilà : le divorce est interdit. Et Louise, très pieuse, refuse de briser les liens sacrés qu’elle a noués devant Dieu.
Situation absurde où deux couples inassortis pourraient faire deux couples parfaitement assortis, mais ils en sont empêchés par la loi des hommes et celle de la religion.
Au final, dans un accès de désespoir, Daniel ira tuer sa femme Berthe… ce qui, évidemment, ne résout rien.
Ce roman est précédé d’une introduction sur la condition du divorce au début de la IIIe République, et il est suivi d’une solide argumentation en faveur du divorce développée par Marie-Louise. Évidemment, ce sujet nous paraît démodé, mais il faut savoir qu’à l’époque il était source de conflits et de multiples drames conjugaux…