Love me tender

Love me tender

Love me tender
Constance Debré
Flammarion

Ce roman autobiographique de Constance Debré est la suite de « Play Boy », paru aux éditions 10/18 et dont j’ai déjà fait un compte-rendu (ici : https://jeanlouislebreton.com/?p=2696). Constance poursuit sa quête de vérité et s’interroge sur l’amour, en particulier l’amour maternel. Elle a quitté son compagnon Laurent, abandonné son travail d’avocate, coupé ses cheveux et s’est fait tatouer. Quand elle n’a pas d’argent, elle vole pour manger. Elle squatte chez les uns et les autres, multiplie les relations sexuelles avec des filles d’un soir. Elle veut ne s’attacher à rien ni à personne, recherche le dénuement le plus complet, mène une quête personnelle pour la vérité. Elle ne boit pas, ne se drogue pas, va à la piscine le plus souvent possible. Elle entretient son corps. Cette forme d’ascétisme physique et sentimental est sa nouvelle raison d’être. Et, bien évidemment, cela pose problème dès lors qu’il s’agit de discuter de la garde de son fils Paul âgé d’une dizaine d’années. Aime-t-elle cet enfant et lui, l’aime-t-il ? Elle revendique le droit de se poser la question. Son ex fait tout pour soustraire le gamin à l’influence de Constance qu’il ira jusqu’à accuser d’inceste. Les juges et les psychologues entrent dans la partie. On la questionne, on la soupçonne, on se méfie d’elle. Elle finira par obtenir un droit de rencontre, sous conditions, dans le cadre d’une association. Glauque.

Comment en est-elle arrivée à ce dénuement des sentiments, à ce détachement des choses matérielles, à cette pratique presque mécanique du sexe pour la jouissance, mais sans amour ? Sans doute faut-il remonter à son enfance et à son environnement familial dont j’ai parlé dans ma critique de « Play Boy ». Tout de même, on sent bien que cette dureté réelle cache une sensibilité hors norme. Oui, on peut aimer Constance Debré, mais on ne peut rien pour elle, qu’être spectateur de sa vie. Certains penseront qu’elle exerce sur elle-même une forme de déchéance et qu’elle prend plaisir à s’autoflageller. J’imagine que tout est plus compliqué. Parce qu’au milieu de ce chaos apparent, il y a l’écriture : nette, brève, saccadée, sans fioritures, droit au but. Et l’on sent bien que ce rapport aux mots, sa façon de se raconter est une forme de dédoublement qui la soulage et lui permet de s’extraire de ce qu’elle s’impose pour mieux se regarder barboter dans le marigot. Elle sublime sa vie par des mots. Bref voilà un livre que d’aucuns détesteront parce qu’ils auront la sensation qu’elle leur impose un statut de voyeurs. Mais, honnêtement, ça se lit bien, rapidement, avec étonnement et ça laisse une boule à l’estomac et un nœud au cœur.

jllb